Qui êtes-vous ?

Une frenchie à la découverte de l'autre bout du monde, partie voir là-bas si j'y étais.

samedi 11 mai 2013

Mettre en pratique

Mise à jour
Pour un article et une vidéo sur la propriété (avec photo de moi en action), allez donc voir par ! Par contre c'est en anglais.

Depuis 4 semaines, je suis à Possum Creek Farm, près de Bangalow (photos ici).

Si je suis arrivée ici, c'est principalement parce que je cherchais à me désengluer de l'attachement que je sentais grandir pour la communauté et ses membres, et parce que, malgré les soucis de visa de Romain, je n'en pouvais plus de rester au même endroit. Alors hop, on arrête de traîner, on se met un coup de pied au cul et on y va.

Je me suis donc connectée sur le forum de wwoofing et suis tombée sur une annonce pour un lieu tout près, cherchant des volontaires immédiatement. L'article parlait d'un site de démonstration pour la permaculture et le management holistique d'une ferme, avec des animaux, le tout à même pas une heure en direction de la côte. Mail envoyé aussitôt, le lendemain je recevais une réponse positive avec rendez-vous deux jours plus tard, tôt le matin pour commencer. Bingo, le flot du voyage était de mon côté à nouveau.

Les quatre semaines qui ont suivi sont les plus riches en enseignement et en travail physique que j’ai pu faire depuis le début de mon voyage. Alors que dans mes précédentes expériences de wwoofing je me formais principalement en bouquinant et en posant des questions à mes hôtes, ici les 6h de travail quotidien m’ont propulsée dans la pratique pure de ce que j’avais pu engranger comme informations. Fini la théorie ! J’ai pu ressentir jusqu’au fond de mes os cette vie que j’ai choisi. Préparer les lits de semence en commençant à la pioche pour ensuite passer à la fourche puis au râteau, éclaircir des bois à la machette et au coupe-branches, semer à la main en transportant son seau de 10 kilos de graines…

Pas ou très peu d’utilisation d’outils électriques ici, et le plaisir de sentir ses muscles tirer et de comprendre, viscéralement, ce que veut vraiment dire cultiver. J’ai retrouvé ce bonheur simple que je ressentais en aidant Florent et Sylvie à monter leur ferme. Le travail est rude, les journées longues, mais la récompense est de taille. Voir pousser, d’une semaine sur l’autre, ce qu’on a planté et nourrit, noter les petites modifications comme les grandes, s’émerveiller de voir papillons et libellules revenir dans ses champs et jardins potagers qui étaient auparavant massacrés par la tonte et les insecticides…

La propriété, anciennement détenue par une artiste, est sublime, dans le style sub-tropical. Forêt de bambous, palmiers, plantes luxuriantes qui pour nous sont exotiques, et une vue imprenable sur le cratère d’un ancien volcan. Le nouveau propriétaire, qui est dans la finance, a décidé qu’avoir plein de sous ne suffisait pas à vous rendre riche. Il a décidé d’acheter cet endroit et de le transformer en une ferme de démonstration d’agriculture holistique et de permaculture. Le but avoué ? reconnecter les gens de ce coin très branché de l’Australie avec leur nourriture, et avec une façon de faire pousser les légumes et d’élever les animaux qui soit respectueuse de la planète, de soi-même, et d’eux.

Cet endroit qui démarre est un paradis pour la mise en pratique et j’y ai une latitude énorme pour faire des propositions, des essais, et des erreurs. La deuxième semaine, il a fallu se débarrasser d’une vache car, trop vieille, ses cornes commençaient à pousser dangereusement près de ses mâchoires, provoquant des blessures. J’ai ainsi appris, connaissance longtemps espérée, à écorcher et découper une vache. Pour ceux qui le veulent, les photos sont .

Pas de perte ici : la viande, une fois dégraissée et découpée, sera passée au hachoir pour en faire de la nourriture pour chien, le rumen est récupéré et mis en culture pour produire un biofertilisant très puissant, les viscères, la graisse et la peau, enfouie dans des copeaux de bambou où elles tourneront en compost, les os brûlés pour en récupérer la cendre, fertilisante elle aussi. Pour moi qui suis devenue quasi végétarienne au cours de ces 8 mois, suivant en cela la diète de mes hôtes, l’expérience est d’autant plus porteuse de sens dans son absence totale de gâchis. C’est ça qui fait sens, ça que je veux. Je ne veux plus laisser à d’autres le soin d’élever, de tuer et de transformer les animaux dont je mange la viande. Je veux apprendre à le faire moi-même, m’émanciper d’une industrie en laquelle je ne peux pas avoir confiance et de prendre la responsabilité de ce que je mange. Etape suivante ? Apprendre à tuer moi-même.

Dharmananda – quand une semaine devient un mois

Les (nombreuses) photos sont

J’aimerais pouvoir parler de Dharmananda en lui rendant justice. Décrire cette communauté, vieille de 40 ans et qui fonctionne toujours, son incroyable résilience, sa gestion des conflits, ses jours de travail en commun, n’est pas chose facile. Raison pour laquelle ce post à tant tardé, plus de deux mois.

 Venue pour une à deux semaines, l’attente du visa de Romain et l’absence de nouveaux wwoofers qui auraient rendus ma présence superflue ont étendus mon séjour jusqu’à 5 semaines.

J’ai été heureuse ici. Solitaire parfois, car les membres ont chacun leur maison, contrairement à la communauté précédente où j’avais vécu, et que la maison commune n’est guère utilisée que pour les dîners et activités communes. Mais, forte de ma nouvelle résolution d’aller vers les gens, de me connecter autant que possible à ceux qui croisent ma route, j’ai rempli ces heures pendant lesquelles je ne travaillais pas d’autant de contacts que possible, filant un coup de main ici et là. J'ai aussi profité intensément de la nature environnante, partant pour de longues balades ou des baignades dans les trous d'eau de la rivière, me planquant sous la cascade ou bouquinant sur les pierres chauffées de soleil. Des photos de tout ça, ici.

Piochant dans la bibliothèque de la communauté j’ai continué mon voyage en permaculture, en développement personnel, en tressage de paniers… J’ai eu la chance également, ici comme plusieurs fois au cours de mon voyage, de cliquer avec des personnes, hommes surtout, étonnement, qui ne me considèrent pas comme une faible femme et m’ont donné des opportunités de toucher à tout, m’ont poussée hors de ma zone de confort pour me prouver très simplement que je peux moi aussi le faire.

Pour un des gars en particulier, JJ, il n’y a pas de « je te regarde juste faire » qui tienne et « non je ne peux pas » n’est pas une option tant que tu n’as pas essayé. Non pas qu’il m’ait jamais forcée à quoi que ce soit, mais, jouant subtilement sur ma fierté et mon envie d’apprendre malgré tout, il m’a toujours fait sentir, à sa façon tranquille, que tout allait bien, qu’il suffisait que je suive ses instructions et que j’y arriverais.

C’est comme ça que je me suis retrouvée sur un toit de tôle à 5 mètres du sol, les deux pieds dans une gouttière et perceuse en main, machette au poing à débiter du bambou pour en tresser des paniers ou la main enfoncée jusqu’au poignet dans le ventre d’un poulet pour en extraire les viscères. Et vous savez quoi ? J’ai adoré ça ! Me sentir devenir capable, regagner des savoirs que la majeure partie de ma génération a perdu, est un sentiment incroyablement puissant.

Alors que le visa de Romain se faisait encore et toujours attendre, j’ai étendu mon séjour d’une semaine, de deux, de 5 jours supplémentaires, encore 3, parce qu’il va bien arriver ce visa, alors bon, autant rester dans le coin et profiter.

J’ai ainsi assisté à l’enterrement de vie de jeune fille et au mariage d’Anna, grecque venue en wwoofing quelques années plus tôt et qui a trouvé ici Ray, membre de la communauté depuis plus de 30 ans. Les photos sont . Incroyable cérémonie que ce mariage australo-grec au milieu de la forêt, les mariés pieds nus dans un cercle de feuillages, et incroyable nourriture aussi, de spécialités grecques en cheese-cake, pièce montée effectivement composée de… fromages ! Des vrais ! des coulants ! des qui puent ! Bonheur de mes papilles de française qui se désespéraient du cheddar, même fait maison.

Ce mariage a aussi été l’occasion de rencontrer Tina, australo-grecque hyperactive de 38 ans, vivant libre de toute attache matérielle et pratiquant la permaculture dans son pays d’Europe, quelle entend ainsi pousser dans son développement vers un meilleur futur. Ses objectifs ont trouvé une grande résonnance en moi et m’ont encore une fois fait reconsidérer mes projets.

En parallèle, et notamment grâce à un livre emprunté à un de mes amis de Bellbunya, j’y ai aussi appris beaucoup sur moi, sur ce que j’attends de la vie, ce qui me rend heureuse, sur les relations aux autres, à moi-même. Cette étape de mon voyage m’a amenée à faire le point, la synthèse de ce que j’avais vécu jusqu’ici et à en tirer les leçons. Savoir donner tout ce qu’on peut à quelqu’un, à un groupe de personnes, sans se protéger, et être tout de même capable de partir ensuite, sans s’effondrer. Gérer au jour le jour ses attachements, ses sentiments, sa joie et sa tristesse, tout ça enchevêtré.

Baignée dans la douce monotonie des jours qui se succèdent et dans la joie des relations qui se tissent, j’ai glané ici et là de nouveaux savoirs. Traire les vaches à la graisse à traire, faire du beurre, apprendre de nouvelles façons de faire du yaourt, du pain et du fromage, faire de nouveaux essais et diffuser la recette de gâteau à la carotte qu’Eugény m’a donnée et que j’ai pour ambition de faire découvrir au monde… J’ai ainsi exploré plus en profondeur l’idée de vivre moi aussi dans une communauté, à un moment. Car comme je l’ai dit à une des petites qui me disait « tu devrais vivre ici pour toujours ! », le voyage n’est pas fini pour moi, je ne suis pas prête à me poser.

samedi 13 avril 2013

Brisbane - partie 2


Photos par ici

Au matin, Ko, 25 ans et avec qui j’ai beaucoup discuté à la soirée d’hier, se pointe à 8h, un dimanche, pour préparer avec Tim un mix de semis et de rempotage, ce qui me laisse baba. On est là, les mains dans le compost et la tête encore embrumée de la veille, à papoter consistance du mix et à soupeser les avantages de la vermiculite, du vermicompost et du sable de rivière. On brasse, on malaxe, on arrose, pour voir, et on termine avec deux grosses bassines de mix, que Ko ramènera chez lui pour ses futures plantations.

Parce que nous, avec Tim et sa copine Zoé, on file à la ferme urbaine, comme Tim me l’avait promis, car c’est jour de marché ! Northey St Farm, le seul marché entièrement bio de Brisbane, haut en couleur et en produits plus savoureux les uns que les autres. Là des smoothies tout frais, produits par un mixeur monté sur un vélo, ici une table couverte de plantes et fleurs comestibles inconnues du grand public ( pousses de patates douce, trèfle, épinards sauvages…), plus loin un stand couvert de toutes sortes d’épices, de céréales, de fruits et légumes secs en gros, parmi lesquels il est bien dur de ne pas piocher, voire de tout acheter. Heureusement, j’ai un campervan, et il est déjà blindé de nourriture bio, alors je me restreins, me contentant d’acheter deux paquets de thé à un petit marchand que j’avais déjà vu à Yandina, près de Bellbunya. Zoé quant à elle a acheté du lait de bain, c’est-à-dire du lait cru, mais puisqu’il est interdit par la législation, il est vendu comme cosmétique.

On se dirige ensuite vers la partie ferme proprement dites, dont Tim, en habitué des lieux, me fait une visite guidée. La maison commune, conçue par un des colocs d’Erin, le jardin destiné au marché, la pépinière où on peut acheter ses graines, plans, compost et autres, la partie verger, les blocs loués à des particuliers… Le tout s’étend sur deux pâtés de maison en proche banlieu de Brisbane. Deux pâtés de maison en permaculture, avec des poules, des arbres fruitiers et des plantes potagères hyper productives de partout, une sorte de jungle de nourriture parfois si dense qu’il devient difficile de s’y faufiler.

Mon plan était de me rendre ensuite directement au Channon, pour le marché hebdomadaire, mais les deux heures trente de route, l’heure déjà tardive et l’envie de rester un peu plus longtemps dans le coin sont plus fortes, alors avec l’approbation de Tim, je m’échoue sur son canapé. Un thé en main, on discute tous les trois, avec Zoé, des différentes façon qu’on a de faire notre yaourt, tout en dégustant les restes de son gâteau cru au chocolat (et avocat, banane, date, noix de coco, raisins… une tuerie qui pourrait bien détrôner le semi-freddo de maman tant c’est encore meilleur quand c’est glacé). Là encore on s’amuse d’être là, entre 25 et 30 ans, à comparer nos recettes de yaourt maison.

Le reste de l’après-midi est à l’avenant, Tim me faisant visiter un peu plus précisément le potager avant qu’on n’échange un sacré paquet de données diverses sur la permaculture, de films et d’infos sur des bons spots de wwoofing et puis au dodo, demain il y en a qui bossent, et d’autres qui filent vers le Sud, pour leur rendez-vous avec leur prochain spot de wwoofing, Dharmananda, qui m’a encore une fois été chaleureusement recommandé par Ko, qui a bien faillit y rester pour vivre.

Brisbane - partie 1

Photos par là ^^ et ici pour celles de la soirée, prises par Tim.

Puisque je devais passer par Brisbane récupérer le colis que Romain m’y avait envoyé en poste restante, autant y rester un peu. C’est comme ça que j’ai envoyé une requête de couchsurfing à Tim, australien de mon âge ayant wwoofé en France et passionné de permaculture, ce qui augurait de bonnes discussions. Les formalités postales effectuées, et un gros carton en plus dans le van, je me gare dans l’arrière-cour de Tim, qui est absent pour la journée, occupé à donner un cours de permaculture à la ferme urbaine de Brisbane.

 Je m’en vais donc me balader dans les rues de West End et sur la rive sud du fleuve. Si j’étais plutôt réticente à l’idée de retourner en ville, West End me charme vite par son côté un peu bobo/un peu arty, et la rive Sud, malgré le temps pourri est assez charmante, pour la ville. Me baladant sur les quais, près de la plage artificielle, je découvre un parcours à travers une bande de forêt pluviale, au cœur de laquelle est nichée un… temple népalais ? Etonnant contraste. Un coup de fil à Tim m’apprend que finalement il finira plus tôt et que si je veux bien le retrouver chez lui pour filer à coup de main à la préparation de la soirée, ce serait chouette. Car ce soir il m’embarque à une soirée d’anniversaire qui est aussi une célébration de son année de voyage et des deux ans de baroude d’Erin, la copine dont c’est l’anniv. Autant dire, des dizaines de gens à rencontrer en perspective. Mon côté antisocial en frémit un peu, mais bien moins qu’il ne l’aurait fait quelques mois plus tôt.

Sur mon chemin vers le musée d’art moderne, longeant le fleuve, un buisson accroche mon regard. Tiens mais… on dirait un poivron dans cette plate-bande. Trois pas plus loin je m’arrête pile. Alors ça ! Ça c’est du basilic c’est sûr! Et de la menthe citron !! Des tomates ! D’autres poivrons, des épinards du brésil, du thym ! Je rêve, ils ont planté les rives avec des plantes potagères et aromatiques ! En plein cœur de la ville, face à la city, mais c’est génial ! Folle d’enthousiasme je ne m’arrête qu’un instant au musée pour manger un bout dans le café très branché et file vers la city, au creux de laquelle se nichent quelques-uns des anciens bâtiments de la ville. Non pas qu’ils soient très vieux à l’échelle du temps européen, mais les australiens en sont fiers malgré tout. Les pieds en feu d’avoir marché au pas de charge pour voir tous les petits points de mon parcours de touriste, je saute dans un bus pour retourner à O’connel street où je dois retrouver Tim chez lui.

A peine arrivée, je me retrouve à visiter la maison, le jardin (potager, le jardin, en plein milieu de Birsbane, donc), à tester les caramboles et les bananes maison, puis on saute sur des vélos pour se rendre à quelques minutes, de l’autre côté du quartier, chez l’amie en question. Là encore, partout les traces d’une permaculture urbaine. Des bambous, des plantes potagères, et des hommes barbus amicaux préparant de la nourriture végétarienne et décorant le salon de feuillages. Mais c’est génial ici ! Erin a déjà recouvert la moitié des murs du salon et des couloirs des photos de ses périples, une carte permettant même de suivre son parcours, et Tim s’attelle à la tache de recouvrir les autres murs de ses photos à lui, avec mon aide diligente pour coller des petits bouts de pate à fix au dos de chaque photo. C’est comme ça que la soirée glisse doucement de la préparation à l’action et que je relève la tête déjà entourée de tout un tas de gens. Pas moyen que je laisse ma timidité me museler, alors je pars au front, je souris, lance des accroches, papote… et me rend compte rapidement que je suis entourée d’activistes écologistes.

Tous plus ou moins passionnés de permaculture et/ou de développement durable, avec des métiers en rapport, impliqués dans des réseaux d’amap ou de paniers locaux, titulaires du certificat de design en permaculture, volontaires à la ferme urbaine, encadrant des personnes en difficulté sociale, faisant pousser leurs légumes dans leurs arrière-cours, y élevant des poules, des abeilles… Tout ce petit monde a aussi beaucoup voyagé, est hyper ouvert, très amical, et je me retrouve avec un tas de contact d’endroits à visiter où à wwoofer, et aussi plein de personnes prêtes à m’accueillir si je repasse sur Brisbane.

Les discussions sont passionnantes, la bouffe incroyable (je note une recette de crème de citrouille à l’ail et de gateau au chocolat cru à se rouler par terre), les gens extraordinaires, et je commence à me dire que ce ne serait pas si mal de rester ici, de faire partie de cette tribu… Et de vivre dans ce quartier de West End, qui par certains côtés ressemble à mon 18e arrondissement côté Nord-Ouest de la Butte. Et surtout, surtout, ça me mets le nez dans l’égoïsme et l’utopie de mon projet actuel, qui ne se soucie que de vivre en autonomie, loin du monde, sans prendre le problème à bras le corps et agir de façon effective pour rendre les choses meilleures non seulement pour moi mais aussi pour la communauté. Le tout me secoue à la manière d’un électro-choc et, si je dors tout de même comme une souche, mon esprit tourne en boucle sur ces problématiques.

mardi 9 avril 2013

Quelques jours à Crystal Waters


Les photos sont par ici.

De Crystal Waters, on m’avait beaucoup parlé. Communauté existant depuis près de 35 ans, centrée autour de la permaculture et d’une vie harmonieuse avec la faune sauvage, le tableau était pour le moins alléchant. Mais comme je devais vite m’en rendre compte, y wwoofer n’est pas si facile. Sur la dizaine d’hôtes qui habitent l’endroit, ceux qui m’intéressaient le plus n’étaient soit pas disponibles, soit proposaient des conditions ou des projets qui ne m’intéressaient pas vraiment. Mais un échange de mails soutenus et chaleureux avec Max Lindegger, fondateur de l’endroit, me donne l’occasion de m’y rendre pour quelques heures.  Pendant que nous plantons des laitues en compagnie de Dessa, une volontaire brésilienne, Max m’expliquera un peu l’histoire de la communauté et certaines de ses techniques de jardinage, sans aucun secret. Je suis, encore une fois, un peu déçue de la façon dont est organisée sa propriété, considérant le fait qu’il pratique et enseigne la permaculture depuis près de 30 ans. Mais il souligne justement qu’il n’est plus si extrémiste qu’il a pu l’être. Si la conversation est intéressante, je ne suis pas sure qu’il y ait quelque chose ici pour moi. D’autant que les membres n’ont aucun droit de regard sur les nouveaux acheteurs du village et que se multiplient les résidences secondaires et habitants n’ayant pas d’intérêt pour la permaculture, au détriment du jardin communautaire, qui dépérit. 

Mais alors que nous revenons le lendemain pour voir le marché, fameux dans la région, en compagnie de Brett et de Jessica, volontaire américaine à Bellbunya, je découvre sur le panneau des petites annonces une demande d’aide pour trois jours, dans une propriété en permaculture. Or il me reste exactement une semaine à passer à Bellbunya avant de filer vers le Sud, Brisbane, puis mon prochain spot de wwoofing. Le weekend sera émaillé de tentatives de contacter l’hôte, Kaelana, qui, comme je le découvre en en discutant avec Joan, a vécu un temps à Bellbunya et sera donc surement encline à m’accueillir. Et en effet, lorsque je parviens enfin à la joindre, sa réponse est positive! Je débarque donc le mercredi suivant, quittant Bellbunya en prenant le chemin des écoliers pour profiter de l’incroyable vue qu’offre le trajet.

Comme je ne vais pas tarder à le découvrir, Kaelana est complètement perchée. Pratiquant le tapping, ou EFT (Emotionnal Freedom Technique, une technique de psychothérapie alternative), elle est aussi fondue de méditation, de soins par les cristaux et de tout un tas de pratiques new age qui sont clairement trop pour moi. Elle parle notamment à sa nourriture et aux graines qu’elle met à germer, leur disant qu’elle les aime et les remerciant, et m’assurant avec aplomb qu’elle a remarqué que la germination était plus effective ainsi. Heu, ok, très bien. Et le fait d’écrire « I love you – Thank you » sur les carafes filtrantes ça aide à purifier l’eau alors ? Mon scepticisme est à son maximum mais j’essaie de ne pas laisser le cynisme qui l’accompagne devenir trop flagrant car après tout, je ne suis là que pour quelques jours, et je suis à Crystal Waters !

Ensemble nous allons désherber une partie de son jardin, ce qui me permettra d’apprendre le nom de certaines herbes utiles en médecine ou comme comestibles (et que si on remercie les mauvaises herbes au moment de les arracher, elles viennent plus facilement, sisi). Nous allons aussi créer un passage en utilisant des cartons de récupération pour étouffer les mauvaises herbes, fertiliser les arbres fruitiers au compost, planter des aromatiques et collecter les inflorescences de certaines mauvaises herbes pour empêcher leur propagation et faire un thé de plantes qu’elle utilisera comme fertilisant. Je découvre aussi, en pratique, l’usage des cochons d’inde comme tondeuse à gazon, dans une cage ouverte au sol qu’on déplace régulièrement pour leur faire maintenir un espace. Un travail qui me semble long et fastidieux.

J’y nourrirais aussi des perroquets, venus picorer dans ma main des graines de tournesol, et ferais des miracles de cuisine, réinventant perpétuellement le contenu d’un frigo d’un vide quasi abyssal, parvenant même à créer un gâteau cru carottes râpées, miel et noix mixées que nous disposerons joliment au centre d’une assiette tournesol avant de le partager pour l’anniversaire de son fils, qui vit à des centaines de kilomètres de là. Pendant ce temps elle médite, fait des sessions skype de tapping qui ressemble beaucoup pour moi à des discussions matinées de psychologie hippie où on s’auto-convainc et convainc l’autre en parlant de lâcher prise, de choisir la joie, l’amour, la compassion etc. Et moi ? Moi je me ballade, je visite le village, qui n’a de village que le nom car excepté la boulangerie, ouverte deux jours par semaine, et les salles communes à l’entrée, le reste n’est que maison. Pas de commerces, pas d’entreprises, si ce n’est le jour de marché. En passant le jeudi chez Max acheter quelques-unes de ses merveilleuses bougies 100% naturelles qui embaument la cire d’abeille, je découvre qu’une conférence à lieu le soir même dans une ville voisine sur la capacité des petites fermes à survivre, et que certains membres de Crystal Waters, dont Dessa, seront présents. Pas d’hésitation possible, je décide de m’y rendre, sans Kaelana qui me dit avoir dépassé ce stade. C’est donc seule que je rejoins Maleny, un adorable village niché au creux d’une colline, et retrouve, dans un de ses cafés branchés, Dessa, donc, et trois autres membres de la communauté, dont une sublime jeune femme que j’avais aperçu le jour du marché et que je n’avais pas osé approcher.

Si la conférence n’est pas inintéressante, je garde un souvenir plus ému de la nourriture que je commande (un incroyable pesto betterave/feta notamment) et des échanges avec les personnes à ma table. Melting pot culturel, notre groupe compte donc Stéphane, français ayant travaillé dans l’hôtellerie de luxe et reconverti depuis 9 ans en producteur de fromage, collecteur de graines et vendeurs de jeunes arbres, plus homme à tout faire (« j’ai une tronçonneuse ») ; Dessa, brésilienne venue tout exprès en Australie faire son stage d’études environnementales sur la permaculture ; Roumi, espagnole arrivée presque par hasard il y a un peu plus d’un an et travaillant depuis comme volontaire avec Robin Clayfield, papesse new age de la permaculture, que je louperais car elle prépare en ce moment une retraite de 3 jours sur le fait d’être femme ; et un jeune américain timide qui travaille aussi avec Robin et qui restera en retrait toute la soirée. Et moi, française voyageuse sur les traces d’un mode de vie plus durable et qui trouve ses réponses dans les communautés et la permaculture.

Je quitterais Crystal Waters le lendemain après-midi, mettant à profit l’invitation d’Iris, ma collègue de Kin Kin, à venir passer la soirée chez elle sur ma route vers Brisbane. Mais avant, je fais un crochet par la maison de Stéphane, qui m’a proposé de passer papoter un peu en français et goûter ses fromages. Stéphane n’est pas là, mais je commence à taper la discute avec un gars du bâtiment construisant un studio tout à côté. Chaleureux et blagueur, il me demande si je peux lui filer un coup de main parce qu’il est à la bourre pour finir ce projet et, n’ayant rien de mieux à faire dans l’immédiat et ne pouvant pas arriver trop tôt chez Iris, je suis mon instinct et accepte. En moins de temps qu’il n’en faut pour l’écrire, je me retrouve en train de visser des lattes de parquet, puis de peindre le sol au rouleau, payée en chocolat et en musique, ainsi que par la promesse que, s’il descend sur la gold coast, il me contactera pour me donner une leçon de surf.

Et me revoilà sur la route, petit sourire aux lèvres, pour aller rejoindre Iris à Buddina, banlieue moche de la gold coast, mais où un lit confortable et un délicieux dîner m’attendent. Un dîner avec de la viande! Chose qui est devenue extrêmement rare dans mon quotidien ces derniers mois, ce qui n'est pas pour me déplaire.

Au matin, après que j’ai déversé sur son nouveau disque dur la somme des ressources en permaculture que j’ai collectées auprès de mes différents précédents hôtes, iris me fait les honneurs de son jardin, déjà très productif, et de ses projets, avant de m’emmener au pas de charge faire le tour du marché voisin où je succombe à un incroyable gâteau poire amande sans gluten qui ne sera pas de trop pour ce soir, car je suis invitée à un anniversaire par mon hôte de couchsurfing !

samedi 30 mars 2013

Retourner se poser en territoire connu


Revoir les membres de Bellbunya m’a donné envie d’y retourner, et comme mes requêtes de wwoofing n’ont pas trouvé réponse, et que je cherche à rester dans les parages un peu plus longtemps, je me décide à y repointer mon nez de façon impromptue. L’accueil qu’on m’y fait est des plus chaleureux et en quelques minutes nous tombons d’accord avec Joan sur le fait que je peux rester à conditions que je dorme dans mon campervan mais avec accès à tout, en échange de 3h de travail par jour. J’ai tout sauf envie de retourner au jardin avec Karl, ce qui tombe plutôt bien puisque Jessica est arrivée entre temps en tant que volontaire temps plein et qu’il y a une place libre dans l’équipe qui rénove la maison commune. Oui, mais pas une place de construction, il s’agit de nourrir les travailleurs. Si je suis déçue de ne pas avoir l’occasion de jouer de la perceuse, du rabot et du pinceau, et d’en apprendre un peu plus par là même, la totale liberté qui m’est allouée en cuisine me rend rapidement parfaitement heureuse. 

Tirant partie de la grande variété d’ingrédients à ma disposition (le bonheur des communautés regroupant des membres de différentes cultures et de nombreux végétariens), je vais pendant 10j, expérimenter, tester, modifier et mettre en pratique mes recettes favorites et toutes celles qui me trottaient dans la tête et que je n’avais pas eu l’occasion de réaliser ces dernières années, faute de temps, d’ingrédients, ou de cuisine, depuis mon départ. Chaque jour, trois heures durant, et souvent plus, je m’active en cuisine et écume le net à la recherche de recettes, mettant un point d’honneur à ne pas succomber à la facilité, ce qui me vaudra aussi de sacré angoisses, car cuisiner avec une heure limite n’est pas dans mes habitudes. Au final, j’aurais eu l’occasion de tester la pâte d’azuki et les doroyakis (petits sandwichs japonais fait de pancakes fourrés avec cette pâte), les perles de coco et leur variante sans gluten, les bliss balls cacao/coco/dattes/raisins sec/agave/noix diverse, les carott et pumpkin cakes avec et sans gluten, les fritattas avec le peu de légumes du jardin, un étrange mix tajine/couscous avec du millet à la cannelle à la place de la semoule, des épinards au fromage poêlés au wok, ainsi que toute une gamme de céréales, épices et haricots divers. 

En parallèle, et malgré le temps pourri, je trouve le moyen de passer de très chouettes moments avec les membres de la communauté, et retrouve chaque soir avec bonheur le cercle que nous formons avant le dîner, et les parties de cartes acharnée, dont je sors souvent « présidente ». J’en profite aussi pour aller me balader aux alentours, les jours où il ne pleut pas, découvrant le marché de Crystal Waters (village qui fera l’objet d’un prochain post), les paysages incroyables s’étendant entre l’océan et les proches collines et les adorables villages de Maleny, Kenilworth, Mapelton, Montville…

Si ces 10 jours sont complètement inertes sur le plan de l’apprentissage (si ce n’est celui de nourrir 6 à 10 personnes affamées chaque midi à heure fixe), ils me rendent en tout cas extrêmement heureuse, ce qui justifie amplement ce break dans ma fuite en avant vers plus de connaissances.

Quelques images de mes balades :

Noosa national park

Alexandria beach





Peregian beach





Le jardin d'Eden
Les pieds dans l'eau pour accéder à Peregian
Le jardin d'Eden au soleil couchant

Dans l'Op Shop de Kenilworth
Brett jouant d'un étrange instrument au marché de Crystal Waters
Montville


Quand éclaircie rime avec pis


Seconde partie à la ferme de Kin Kin, les photos correspondent à la deuxième moitié de cet album.

Fidèle à sa promesse, Tom va bosser avec moi la seconde semaine, me donnant l’occasion de lancer des discussions et d’en apprendre plus sur la propriété, son parcours, ses projets. Ensemble nous allons explorer les recoins les plus éloignés de la ferme où nous replantons des espèces locales, désherbons les abords de la « mare de la pleine lune » qui jouxte la maison, effectuons une session intense de taille, dévastant les arbres supports et sacrifiables pour produire la protection et la fertilisation dont ont besoin les arbres producteurs.

Dans le même temps, je prends sur moi de gérer une partie des routines animales du matin et du soir, nourrissant les poules et les chèvres, ramassant les œufs, bref, entrant dans la routine de ferme dont je me languissait. Ayant un nouveau joujou à tester, sous la forme d’un ancien extracteur de crème par centrifugation, Tom doit intensifier la cadence des traites, ce qui me donne l’occasion de tester enfin, la traite manuelle d’une vache. C’est Toffee qui sera ma victime, Choko venant juste de mettre bas et ayant encore des difficultés à laisser venir le lait, sans compter qu’un de ses pis saignote, signe d’une probable infection. Le front et la joue calés au creux du flanc de Toffee, je commence donc la traite. Si le principe n’est pas différent de la traite des chèvres, apprise l’été dernier chez les parents de Mael dans le sud de la France, la poigne nécessaire pour faire sortir le lait réduit rapidement mes mains à l’état de deux blocs de crampes. L’expérience est néanmoins incroyable et intense, mobilisant et saturant tous les sens. Le son du lait qui gicle dans le seau, la chaleur douce du flanc de Toffee contre ma joue, l’odeur musquée des vaches autour du moi, avec en surimpression celle plus douce du lait tiède, la lumière de l’aube qui joue sur la robe des animaux, scintille à la surface du lait… Le moment est chargé de quiétude.

Comme en parallèle, Zaia est également plus disponible et que nous commençons à avoir de longues et intéressantes discussions, cette semaine passe à la vitesse de l’éclair, malgré une ou deux journées moins intenses car placées sous le signe de la pluie, ce qui me fait apprendre par l’expérience que mon degré de motivation est étroitement corrélé au degré d’humidité de mes sous-vêtements. Alors que nos relations sont enfin satisfaisantes, je décide tout de même de quitter la ferme à la fin de cette seconde semaine. Car la perspective de deux nouveaux wwoofers arrivant le lundi suivant me faisant craindre de retomber dans un schéma où je n’aurais pas avec Zaia et Tom la relation privilégiée que je recherche tant et qui me permet d’apprendre plus, mais aussi de supporter la solitude inhérente à ma vie itinérante. Je suis néanmoins triste de quitter l’endroit, et touchée quand ils m’expriment leur déception que je parte déjà, Tom soulignant combien il apprécie la façon dont je travaille et ma motivation.

Mais voilà, la route m’appelle. Pour aller où ? Je ne sais pas encore, j’ai décidé de prendre le weekend off après ces deux semaines de travail intense, et de me décider ensuite.